Ma belle-sœur Thérèse appelle Marie, sa mère, dans la maison de toujours, la maison désertée, sur la montagne au-dessus de Beyrouth parfois attaquée.
Marie a poussé ses enfants à quitter le Liban, départs préparés pour la France, et même pour les États-Unis.
Autrefois leur père, Jean, leur demandait d’être là, près d’elle, à tout jamais. Mais à ce jour, chacun s’interroge. C’est à nouveau la guerre. La violence est partout.
Marie est ferme.
– Je ne suis pas seule. Vous m’appelez tous. Et j’ai Léo qui parle pour vous…
Léo, leur perroquet de plusieurs générations !
– Allo Léo…
Thérèse s’adresse aussi à l’ami fidèle, ici de toute éternité, qui rassemble les voix
des vivants et de ceux qui ne sont plus.
Troublée, elle peut entendre son père, qui n’est pas oublié par le perroquet.
– Jean !
Pour Marie, Léo imite chacun des siens, au passé et au présent. L’amour est là.
Sous le bruit des avions, des bombes, Marie a son rituel : plonger dans les grandes boites à photos. Elle fait revenir les siens, dans le mélange des temps.
La présence de Léo l’incite à commenter tout haut sa quête infinie, à parler aussi à ceux qui ne sont plus.
– Anatole, Blanche… répète Léo.
Marie étale les photos, refait une tapisserie du vivant, des anciens et des tout-petits, hors des boites, à Beyrouth dans le temps, tout près.
Léo imite aussi le bruit atroce des avions de jadis et d’aujourd’hui.
Mais Marie rappelle aux siens :
– Je ne suis pas seule… Ne venez pas. Et Léo traduit :
– Ne venez pas. La mort est là.
Mais Léo est bien là, qui monte la garde.
Alléluia !
