Un « haïbun » est une composition littéraire mêlant prose et haïku. Françoise Kerisel, lectrice de Reporterre, nous a adressé ce texte en hommage à Rémi Fraisse.
« Il a deux trous rouges au côté droit »
Rémi Fraisse est ce botaniste de 21 ans tué au bord du Tarn une nuit d’octobre 2014.
Il était de ces manifestants qui protestaient contre cette violence faite à la terre, à la nature. Un barrage de technocrates, retenue d’eau géante, allait se décider, pouvant casser l’équilibre de la faune, de la flore, chasser l’harmonie et la beauté du lieu.
Dans le vieil étang
plonge-t-elle encore
la grenouille de Bashô ?
Je me rappelle que Rémi Fraisse avait choisi pour objet d’étude ce que la vie a de plus fragile : un bouton d’or aux pétales en forme de cœur, en voie de disparition. Cette fleur est de la famille des renoncules, au nom-même habité d’une rainette — ranoncula, petite grenouille qui elle aussi se fait rare. Ces appellations nous touchent. Et Rémi a pour patronyme Fraisse, qui désigne le frêne…
Abritant, protégeant rana la rainette, ce bouton d’or a pour armes ses feuilles, les ophioglosses ou langues de serpents, bien insuffisantes, face à la brutalité des méthodes nouvelles.
Comment reprendre les combats de Rémi Fraisse, si ce n’est en évoquant comme lui la grenouille rare planquée parmi ces renoncules menacées, au bord des marécages ?
Comment soutenir la cause de Rémi Fraisse, et écarter une fin de procès en non-lieu, quand Rémi a perdu la vie en ces lieux-là, près de Sivens ?
Non-lieu ?
« Hommage à Rémi »
clament les pancartes –
veillée à la renoncule.