Rothko et Kahn

rothko et kahn
Rothko et Kahn chez Pippa

Quatrième de couverture.
La chapelle de Mark Rothko, construite en 1970 à Houston au Texas, ouvre à nouveau ses portes en 2020, après rénovation. Vouée à la contemplation, elle enchâsse quatorze grandes toiles du peintre.
A huit mille kilomètres de là, le parlement de Dacca, édifié à la même époque, dont l’architecte est Louis Kahn, symbolise la démocratie dans un pays des plus pauvres du monde, le Bengladesh. On lui doit également en Californie le laboratoire de recherche de Jonas Salk, inventeur du vaccin contre la poliomyélite.
Maître de l’abstraction, Mark Rothko (1903-1970) a marqué la peinture de son empreinte exigeante, mystérieuse et inventive. On entre dans ses toiles en silence et sur la pointe des pieds.
Louis Kahn (1901-1974) a exercé une influence considérable par son enseignement et ses réalisations. Ses valeurs et ses idéaux demeurent pour tous les architectes.
S’inspirant de la vie de ces deux artistes immigrés d’Europe de l’est vers les États-Unis au début du 20ème siècle, l’auteur s’autorise à imaginer leur rencontre, leurs échanges, leur estime réciproque et leur amitié fraternelle.
Un récit passionné qui exalte dans leurs œuvres une même recherche de lumière, de beauté et de transcendance.

Argumentaire
En 1999, lors de la rétrospective du peintre Mark Rothko, au Musée d’art moderne de Paris, j’ai connu une émotion intense qui reste présente dans ma vie.
Mark Rothko, de son vrai nom Marcus Rothkowitz, est né le 25 septembre 1903 à Dvinsk en Lettonie, qui appartenait à l’empire russe. Chassé à dix ans avec sa famille par l’antisémitisme, il a vécu enfant à Portland dans l’Oregon, et s’est établi à New York en 1923.
Des années plus tard, j’ai découvert grâce au film My architect, réalisé par son fils Nathaniel, les œuvres de Louis Kahn qui fut, selon ses pairs, le grand architecte américain du 20ème siècle. Ses constructions sont des monuments modernes, devant lesquels je ressens la même admiration que pour les temples grecs.
Louis Isadore Kahn est né le 20 février 1901 dans l’ile estonienne d’Osel, également russe à l’époque, dont il est parti en 1905 avec sa famille pour vivre à Philadelphie, où il a demeuré toute sa vie, en voyageant.
Ces deux artistes, qui ont vécu à la même époque, ont des destins proches, mais on ne sait s’ils se sont rencontrés.
Tous deux étaient des immigrants pauvres, qui ont demandé et obtenu la nationalité américaine. Intellectuels amoureux de musique, de littérature et de poésie, ils n’ont pas cessé d’enseigner, d’inventer et de faire évoluer leur art.
Tous deux ont tardé à se faire reconnaître, Rothko en 1950 et Kahn en 1960.
Tous deux ont trouvé l’inspiration lors de voyages dans les capitales européennes, et en Égypte pour Louis Kahn.
Ombrageux, tourmentés, tous deux sont morts seuls, exténués par leur travail de créateurs : Rothko s’est suicidé dans son atelier. Kahn, un nomade dont l’adresse ne figurait pas sur son passeport, est décédé d’une crise cardiaque dans les toilettes d’une gare de New York.
Tous deux ont élaboré une philosophie de leur art, et l’ont fait connaître dans leurs écrits et leurs conférences.
Tous deux sont des maîtres de la lumière et de la transcendance, qui sont au cœur de ma quête personnelle.
M’inspirant de la vie de Louis Kahn qu’on appelait Lou et de celle de Mark Rothko, je m’autorise ici à écrire une fiction, celle de leur rencontre, de leurs échanges, de leur estime réciproque, de leur amitié, de 1961 à 1970, année de la mort de Rothko, auquel Kahn a survécu quatre ans.

Laboratoire Salk
Institut Salk pour les études biologiques, à La Jolla, Californie, aux États-Unis.

Préface
Pour ceux de ma génération qui aux États-Unis ont approché et aimé Louis Kahn, et qui à la même époque, ont découvert la peinture de Mark Rothko, il est facile d’entrer dans le jeu de cette merveilleuse rencontre entre ces deux grands artistes, telle que l’a si merveilleusement imaginée dans son essai, Jean-Bruno Kerisel.
En effet, quoi de plus juste et approprié, pour ces deux personnalités que de leur faire « partager la lumière » comme s’ils étaient des « frères de lumière »? …
Et par les rencontres chez l’un ou chez l’autre, par les échanges de lettres, ce rapprochement imaginé par notre auteur, révèle avec beaucoup de talent, chez chacun des deux protagonistes, des postures intellectuelles à la fois pures et acharnées, sur tous les sujets fondamentaux de l’art.
Cet art de l’espace et de la couleur est tellement fort et enraciné chez Kahn comme chez Rothko, que l’auteur réussit même, grâce à un beau travail de décantation intellectuelle, à révéler aussi bien l’émerveillement devant leurs propres découvertes artistiques, de Giotto à Miro, en passant par Ledoux, que la souffrance de leurs doutes dans leurs propres créations, et leur attitude permanente de dépassement.
A l’heure où l’art, quel que soit le domaine auquel il appartient, est devenu une valeur marchande plus qu’une découverte sensible, la mise en scène du rapprochement entre ces deux artistes virtuoses de la couleur et de la lumière, imaginée dans cet essai, constitue, à mon sens, un travail de fiction admirable, rendu crédible par la justesse des détails.

Georges Maurios, architecte
Master of architecture Harvard

Chapelle Rothko
Chapelle Rothko Houston, au Texas, aux États-Unis, en avril 1987.

Postface
La correspondance des dates et des lieux de vie des deux hommes est surprenante. Sur celle-ci, Jean-Bruno Kerisel a su remarquablement construire le cadre de son récit.
La suite musicale des épisodes de ce récit imaginaire tisse l’histoire de la rencontre spirituelle de Louis Kahn avec Mark Rothko.
C’est à la suite d’un retour tardif vers les œuvres du passé que chacun d’eux a retrouvé ses racines et la source de son expression personnelle et vivante.
Jean-Bruno Kerisel montre que la quête des origines, probablement commune aux grands artistes, fonde leur recherche à travers une obstination et un travail acharné.
Et c’est étrangement les œuvres les plus personnelles qui touchent la sensibilité et l’entendement du plus grand nombre, dans une sorte de fraternité.
Ainsi, le « silence et la lumière » de la peinture et de l’architecture (et peut être aussi de la musique et de la poésie…) ne sont-ils que le reflet lointain du silence et de la lumière de l’origine ?

Jean-Pierre Cornet
Architecte et peintre
Master of Architecture Pensylvania

Vous pouvez retrouver les livres de Jean-Bruno Kerisel sur Écritures et Spiritualités.